DÉMARCHES

DÉMARCHES

DÉMARCHE CHORÉGRAPHIQUE

LISE BOIS

« La musique écrite par Célio Mattos est un bonheur à travailler pour moi, car elle allie complexité et dynamisme rythmiques avec une grande diversité de couleurs musicales. Elle est porteuse de tout un patrimoine cosmopolite, qui au-delà de l’étude historique, se transmet pour moi par le corps et la physicalité, dans l’expérimentation.

J’ai toujours été attirée et passionnée par le travail de chorégraphes aux esthétiques parfois très éloignées, mais qui ont en commun une rigueur, une précision et une grande finesse dans leur travail musical, comme Maguy Marin ou Anne Teresa de Keersmaeker. Le rythme à lui seul, du mouvement, du corps, du spectacle, est porteur de sens, et d’émotion.

Certaines créations, à partir d’un postulat de départ assez simple ou formel, arrivent à faire naitre l’émotion par un travail méticuleux et original sur le rythme justement : la répétition, la déformation, la variation, pas uniquement dans le mouvement, mais dans ce que ces différents modèles rythmiques font vivre et réveillent d’universel chez le spectateur.

Depuis le début du travail sur “XII-12”, Célio et moi nous documentons beaucoup sur le travail musical d’Anne Teresa de Keersmaeker justement. Les analyses et essais que nous avons pu lire, notamment ceux de Philippe Guisgand, alimentent un ensemble de questions transversales récurrentes dans cette création, à savoir : comment rendre visible/lisible la musique ? Comment transmettre toute la richesse de cette musique, et le corps le peut-il ? Comment ?…

La danse peut suivre, la danse peut faire écho, la danse peut souligner, avoir une musique différente et pour autant révéler. Il n’est pas sûr que nous trouverons toutes les réponses, mais ce questionnement nous pousse tous les deux à renouveler nos manières de concevoir le travail commun entre écriture musicale et écriture chorégraphique.

Dans “XII-12”, je me sens le lien possible entre rythme et mélodie, entre les deux musiciens, et entre les musiciens et le public. Le corps dansant se retrouve au croisement, la danse s’écrit à travers tous ces éléments, en laissant tour à tour apparaitre plutôt l’un ou l’autre aspect de la musique : mon corps est une sorte de vecteur, un passeur. Il est, pour Célio et moi, le dénominateur commun entre danse et musique.

Ce spectacle est également une vraie histoire de plaisir du mouvement, de l’énergie, dans le jeu rythmique, spatial, parfois jusqu’à une sorte de transe. Le nombre 12 transporte avec lui une symbolique autour de laquelle tourne le spectacle, et qui vient alimenter l’écriture gestuelle : le cadran et le rapport au temps, l’astrologie, le nombre d’or… »

Célio Mattos, Lise Bois

INFLUENCES ET RÉFÉRENCES MUSICALES

CÉLIO MATTOS

« Les musiques que je compose pour la création de “XII-12” condensent et organisent les modèles qui n’ont cessé de me nourrir dans ma carrière de compositeur et d’interprète.

Je tiens à ma culture brésilienne, et j’ai le désir militant d’en conserver l’authenticité, d’assoir mes réalisations, par exemple sur des gammes modales, typiques des mélodies du Nordeste, ou sur des rythmes populaires : ainsi “Quetzal” est un maracatu. Je vais même plus loin dans cette approche des styles traditionnels : le morceau éponyme, “XII-12”, accorde une place importante aux instruments de percussion, pour faire apparaitre dans un jeu d’alternance, de canon, de superposition et d’enchevêtrement les possibilités de combinaisons autour du nombre douze. Ainsi dans la musique populaire brésilienne, c’est ce choix de cellules rythmiques qui donne leur identité aux différents genres, samba, bãiao, ijexá, les formes de bossanova nées de la convergence avec d’autres langages ou cultures.

Je pourrais citer ici au nombre de mes références Pixinguinha, Tom Jobim ; ou Gilberto Gil, Caetano Veloso et le mouvement Tropicaliste de la fin des années 1960. Quand il s’agit d’harmonie, c’est Villa-Lobos, qui me fait entendre une sonorité spécifiquement brésilienne et m’inspire ; mais je ne me limite pas aux horizons du Brésil : Debussy et Ravel sont là également…

Une des pièces que nous allons créer, “La Plume”, est en forme de prélude : lorsque je cherche un dessin mélodique, je me rapproche souvent de la manière de Bach pour l’architecture des motifs, pour les effets de transposition, de reprise et de retour, pour cette rigueur mathématique qui la caractérise. La guitare joue un arpège polyrythmique et c’est le saxophone qui expose et développe le sujet, improvise avec une couleur jazz et revient au thème initial. »